Les plagiocéphalies
Une plagiocéphalie, ou syndrome de la tête plate, est une asymétrie crânienne du nourrisson. Il en existe deux grandes catégories : la première est plutôt rare, il s’agit de la plagiocéphalie synostosée (avec synostose -ou fermeture- de suture prématurée), plus communément appelée craniosténose. Les craniosténoses entrainant une asymétrie dans la croissance du crâne ne représentent que 15% des cas de craniosténose. Rapportées au nombre de dysmorphies fonctionnelles, leur fréquence devient presque négligeable (1).
La seconde est beaucoup plus fréquente, et constitue le sujet principal de cet article : la plagiocéphalie non-synostosée. Elle touche 20% des bébés avant 5 mois de vie (2). Dans ce cas, la déformation résulte de contraintes mécaniques (en traction ou en compression) soit in-utero, soit pendant l’accouchement, soit acquise (après la naissance). On parle aujourd’hui de déformation positionnelle du crâne, car elle est liée au positionnement du bébé. Il existe de nombreux types de déformations positionnelles suivant leur localisation sur le crâne. Nous n’évoquerons dans cet article que les déformations positionnelles postérieures car elles regroupent la plus grande majorité des cas observés en consultation. Il s’agit de la déformation positionnelle postérieure fronto-occipitale (la «vraie» plagiocéphalie), ou de la déformation positionnelle postérieure occipitale (ou brachycéphalie).
Les trois signes qui amènent les parents à consulter sont la déformation du crâne (« mon bébé a la tête plate »), l’orientation du regard (« mon bébé regarde toujours dans la même direction »), ou la douleur (« mon bébé pleure quand je lui tourne la tête »).
Le premier réflexe à avoir est de consulter votre pédiatre, ou même votre médecin généraliste s’il a l’habitude de suivre les enfants. Les rendez-vous sont parfois plus faciles à obtenir.
Une fois le diagnostic de déformation positionnelle posé, le traitement médical se résume le plus souvent à des conseils de positionnement du bébé pour corriger les déformations, et des séances de kinésithérapies pour récupérer ou entretenir la mobilité des cervicales (selon la littérature médicale les torticolis sont associés aux plagiocéphalies dans 76% des cas (3) ). Pourtant l’ostéopathe formé au crânien peut tenir sa place dans le traitement de ces déformations qui devrait être pluridisciplinaire. Par sa connaissance, anatomique et palpatoire, des os du crâne, des ligaments et des muscles, l’ostéopathe peut aider à poser un diagnostic précoce puis, grâce à des techniques douces et non invasives, déverrouiller les dysfonctions somatiques et accélérer le travail de rééducation du kinésithérapeute (4, 5).
Les conseils de posture, à appliquer après rendez-vous avec votre médecin : il faut agir à la maison, chez la nounou ou à la crèche, tant que le crâne est encore malléable. Les déformations surviennent dans les six premiers mois de vie, période pendant laquelle il faut surveiller et agir dès que possible (les fontanelles se ferment entre le huitième et le dix-huitième mois de vie). Si votre bébé a un méplat crânien, il peut passer jusqu’à 20h par jour dessus. Les conseils sont donc simples :
- couchez-le de manière à ce que sa tête repose non pas sur le méplat mais sur les parties bombées, dès que possible. Et aussi souvent que possible.
Pendant les phases d’éveil, le plus efficace est de caler votre bébé avec des coins en mousse, ou des sacs de riz, de manière à ce que la tête repose sur le côté bombé de son crâne. Pendant les phases d’éveil et de jeu, vous pouvez mettre votre enfant sur le ventre, sous votre surveillance ! Vous ferez d’une pierre deux coups : il n’aggravera pas son méplat crânien, et se musclera la tête et le cou.
- Pendant les phases de sommeil c’est plus compliqué : l’OMS prescrit de laisser les enfants dormir sur le dos pour éviter les morts subites du nourrisson. Consigne à suivre évidemment. Cependant, si l’enfant dort près de vous, et que vous êtes éveillés : vous pouvez délicatement lui tourner la tête du bon côté, à chaque fois qu’il revient dans la mauvaise position. Quand vous dormez : il n’y a pas de solution, laissez-le sur le dos. A ce jour aucun coussin « anti tête plate » ou « spécial nourrisson » n’ont été prouvés comme efficaces. Et il est préférable de ne pas multiplier les objets dans le lit du bébé (risques d’étouffement, nids à poussières…).
- tout ce qui pourrait attirer son regard doit se trouver du côté bombé de son crâne : la veilleuse, la fenêtre, le lit des parents…
- si vous nourrissez votre bébé au biberon : donner lui le biberon du côté qui amènera le côté bombé de son crâne contre votre bras.
Pourquoi est-ce important de se préoccuper de ces déformations ? Parce-qu’elles sont évolutives, jusqu’à ses 6 mois environ. Plus le bébé passera de temps sur ce méplat plus la déformation augmentera : l’oreille et la bosse frontale (toujours du même côté que le méplat) se déplaceront vers l’avant, jusqu’à avoir dans les cas les plus marqués un œil plus grand du côté du méplat et une déviation de la mâchoire vers le côté opposé au méplat. Ces asymétries du visage et de la face sont permanentes (6). Des études montrent les implications de ces déformations sur les articulations temporo-mandibulaires (7, 8), sur la motricité fine (8), et sur les déformations compensatrices du bassin et de la colonne (8, 9).
Depuis mes formations en 2015 et en 2017 sur la prise en charge des nourrissons, et notamment des plagiocéphalies, je me suis équipé d'un craniomètre pour mesurer l'indice de plagiocéphalie et voir l'évolution de la déformation du crâne au cours des séances. Je m'intègre maintenant dans un réseau de santé pluridisciplinaire comprenant des pédiatres, des kinésithérapeutes, des sages-femmes permettant de suivre votre enfant au mieux.
1) D. Renier et al – Rapporteurs du congrès Les craniosténoses, 56eme congrès de la Société de Neurochirurgie de Langue Française, Lille – Juin 2006
2)Hutchison BL, Hutchison LA, Thompson JM, Mitchell EA. Plagiocephaly and brachycephaly in the first two years of life : a prospective cohort study. Pediatrics. 2004 Oct;114(4) :970-80.
3) Golden, K.A., Beals, S.P., Littlefield, T.R. zr Pomatto, J.K. (1999) « sternomastoid imbalance versus congenital muscular torticollis : Their relationship to positional plagiocephaly », dans Cleft Palate and craniofacial Journal. N°36, p. 256-261
4) LESSARD S, et al., Exploring the impact of osteopathic treatment on cranial asymmetries associated with nonsynostotic plagiocephaly in infants, Complementary Therapies in Clinical Practice (2011), doi:10.1016/j.ctcp.2011.02.001
5) TROTTIER N,, Carolyn Emery, Isabelle Gagnon, Preston Wiley, Heather Graham, Sylvie Lessard. The effectiveness of osteopathic manual treatment in the conservative management of infants with deformational plagiocephaly and congenital muscular torticollis, 2010-2011
6) MULLIKEN, J.B., VANDER WOUDE, D.L., HANSEN, M., LaBRIE, R.M. et SCOTT, R.M. (1999). “Analysis of posterior plagiocephaly: deformational versus synostotic”, dans Plastic Reconstruction Surgery. Vol. 103, no 2, p. 371-380
7) ST. JOHN, D., MULLIKEN, J.B., KABAN, L.B. et al., (2002). “Anthropometric analysis of mandibular asymmetry in infants with deformational posterior plagiocephaly”, dans Journal of Maxillofacial Surgery. No 60, p. 873-877.
8) Boere-Boonekamp MM, van der Linden-kuiper LT. Positional preference : prevalence in infants and follow-up after two years. Pediatrics 2001 ; 107 :339-343.
9) HYLTON, N. (1997). Infants with torticollis : The relationship Between Asymetric Head and Neck Positionning and postural Development. Haworth Press.